Tout est parti d’une chronique à la radio qui commentait le nombre croissant d’arrêt de travail en 2023 et 2024 en France. La journaliste en concluait que c’était notre rapport au travail qui était souffrant…
Je m’interroge, je me demande.
Certes le travail est un lieu de souffrance pour bon nombre de personnes, mais n’est-ce pas un raccourci un peu rapide, une conclusion partielle, …
Je me demande si ce n’est pas notre lien à la maladie lui-même qui est souffrant…
Acceptons-nous ces petites maladies : rhume, grippe, angine, chez nous dans notre corps ?
Je me demande si nous acceptons d’être traversé par un virus, ou si cela entraîne en nous une angoisse, un besoin de protection, une peur de contaminer l’autre. Peur qui cache peut-être notre propre angoisse d’être contaminé, de subir ce microbe venu de l’autre qui nous pénètre sans consentement et occasionne chez nous des modifications que nous n’avons pas prévues, …
Le covid, une société toujours plus en recherche d’efficacité dans le travail, de résultats, n’ont-ils pas modifié notre lien à la souffrance, à la fragilité transitoire de l’être ?
Oui être malade, c’est rencontrer sa fragilité, fragilité inhérente à chacun, ...
Acceptons-nous cette fragilité ? Acceptons-nous d’être diminués, moins efficaces, ralentis, de vivre sans être au top ? Acceptons-nous de vivre et travailler avec un bon gros rhume qui embrouille le cerveau, qui ralentit notre pensée, …
Et si vivre et travailler sous la maladie c’était vivre quand même, mais autrement plus vulnérable ? Et si cette vulnérabilité ouvrait la voie à autre chose…
Je rêve d’un monde où l’on accepterait d’être malade. Saisir cette occasion de vivre autre chose, de s’ouvrir à d’autres sensations. Je rêve d’un monde où maladie ne rime pas toujours avec isolement, mais avec tendresse, douceur, compassion et protection de l’autre . Un monde où l’on dorloterait les malades avec amour et tendresse, où les câlins seraient nos médicaments les plus forts, les plus doux…
Je rêve d’un monde où des collègues de travail s’entraideraient, et auraient le temps de prendre un peu de la charge de l’autre, parce que celui-ci est diminué aujourd’hui. Un monde où ce geste lui-même soigne à lui seul, rassure quand à l’humanité ressentie…
Je rêve d’un monde où l’on a le droit de tousser, d’éternuer, d’avoir le visage rouge, le nez irrité, la voix rauque, sans que l’on se demande si le virus va se propager … Etre enrhumé en hiver est- ce déraisonnable ?
N’est ce pas normal que notre système immunitaire soit un peu stimulé, mis à l’épreuve pour revenir plus fort, plus sain ?
Il y a dans la nature des tas de virus, de microbes qui nous environnent, et parfois l’un vient à nous envahir.
La maladie, c’est la rencontre entre un parasite et son hôte. Le parasite (le virus) a besoin de l’homme pour se reproduire, mais l’hôte (vous) a t’il besoin du parasite ? Personnellement, et cela n‘engage que moi, je pense que oui, nous avons besoin de ce virus, nous sommes enclin à accueillir cette petite bête. Pourquoi ?
Pourquoi nos défenses sont elles parfois hermétiques, parfois faillibles ? Pourquoi quand nous sommes heureux, amoureux, est-il moins fréquent de tomber malade, que lorsque le moral est au plus bas après une déception amoureuse ou professionnelle ? La médecine chinoise dit que lorsque le zheng qi est fort (notre énergie droite, protectrice) rien ne pénètre, rien ne nous atteint, ce qui nous invite à penser que renforcer notre propre énergie c’est se protéger …
Alors est-il fou d’imaginer que nous accueillons ce virus, que nous lui ouvrons la porte ? Nous avons nous aussi besoin de lui j’en suis persuadée, ...pour calmer le rythme, pour vivre moins efficace, pour demander de l’aide, pour se mettre sous la protection de notre couette, pour continuer à vivre autrement,à travailler autrement, accepter de montrer un visage de nous atteint, fatigué, pour accepter notre humanité, l’être que nous sommes vraiment avec ses forces et ses faiblesses, et accepter que les autres nous voient ainsi…
Soyez gentil avec ce virus.
Soyons raisonnable, la plupart du temps, les virus ne sont que des petites bêtes qui nous titillent, nous irritent, nous gênent, la plupart du temps ils ne tuent pas la grosse bête que vous êtes et en aucun cas ce n’est la peur qui vous sauvera… Tous les virus, ne sont pas responsables du séisme mondial qui a retentit dans nos vies en 2020. Ce virus qui a été pour beaucoup d’entre nous l’occasion de vivre cette parenthèse dans nos vies à tous, parfois cruelle comme peut l’être la vie à tout instant, parfois cocasse, … Combien de personnes ont-elles changé de vie grâce à ce tout petit virus ?
Alors soignez-vous comme vous le souhaitez, mais si vous ouvrez demain un autre regard sur les microbes qui nous entourent et parfois envahissent le sain organisme que nous sommes, si vous avez une pensée en vous pour vous dire que c’est l’occasion, d’évoluer, de vivre la faiblesse pour trouver une voie plus juste, plus équilibrée, alors ces mots n’auront pas été vains… Ils auront été comme un microbe, ils ont envahis votre espace temps quelques instants pour vous permettre de cheminer vers un monde plus confiant ...
Eglantine Soret-Goussiez
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